Djamel Kokene
Nous

Nous

Bloc de béton gravé et brisé en deux, 70 x 70 x 70 cm
2009

Nous

Détail

 

Nous de Djamel Kokene plonge ses racines dans l’histoire de la sculpture, tout spécifiquement autour de la question de la taille directe. Rappelant des pièces historiques qui jouent avec la découpe parallélépipédique du bloc originel, telles que Le Baiser [1] de Constantin Brancusi ou encore Torsion (1968) de Giovanni Anselmo, l’œuvre de Djamel Kokene explore les notions de résistance de la matière, de plein et de vide ainsi que de masse et de poids. Ce bloc de béton, brisé en deux et posé à même le sol, met en scène d’une manière spectaculaire et extrême certains des gestes principaux de la sculpture : la fragmentation, le bris, la soustraction.

Mais ici, contrairement à la pratique conventionnelle, les morceaux cassés ne sont pas retirés pour dégager la forme, ils restent partie intégrante de l’œuvre et en constituent même le corps central. En utilisant un processus que l’on pourrait qualifier de destruction créative, l’artiste rend visible l’énergie et la violence des chocs nécessaires à l’éclatement du bloc, reconstituables a posteriori par le spectateur [2]. Une charge émotionnelle se constitue autour de la combinaison entre les cassures de l’œuvre et le sens du mot inscrit sur le bloc.
« NOUS » inscrit en creux, dans une police de caractères neutre et sans emphase, est pourtant chargé d’un sens implicite hautement sensible. Pouvant s’interpréter à l’échelle du couple, de la famille, de la communauté ou encore de toute une société, ce « NOUS » fragmenté symbolise puissamment l’idée de l’atomisation d’un groupe et plus largement d’un collectif.
Au regard de l’ensemble du travail de l’artiste irrigué par l’idée de déplacement et de nomadisme, cette sculpture de Djamel Kokene évoque métaphoriquement des questions d’appartenance, d’identité et de communauté, à la fois intimes et sociales mais aussi vivement actuelles et intemporelles.

Marion Guilmot

[1] Entre 1907 et 1938, Constantin Brancusi a produit de nombreuses sculptures sur ce thème, toutes ayant pour point commun de conserver le bloc de pierre à peine dégrossi.

 [2] Djamel Kokene a également réalisé une œuvre vidéo autour de ce geste sculptural. Nommée "Two millions and five thousand years after" (2009), elle est un enregistrement des coups de masse sur le bloc de béton jusqu’à sa fragmentation. 

 

"Pouvant s’interpréter à l’échelle du couple, de la famille, de la communauté ou encore de toute une société, ce « NOUS » fragmenté symbolise puissamment l’idée de l’atomisation d’un groupe et plus largement d’un collectif."