Ramin Haerizadeh
Shahr-e-Ghesseh

Shahr-e-Ghesseh

Technique mixte sur toile, 200 x 220 cm
2009

 

D’étranges personnages empruntés à une fable musicale iranienne peuplent ce grand tableau. Créé en 1967, pièce de théâtre d’avant-garde puis feuilleton plébiscité, le Shar-e-Ghesseh ou « Ville des Contes » prolonge la tradition persane du récit allégorique. C’est l’histoire d’un éléphant à la défense brisée qui se voit « aidé » en même temps que dénaturé par la communauté villageoise. Sa défense désormais arrimée à son front, sa trompe coupée, il doit se faire connaître de la bureaucratie sous le nouveau nom de Manouchehr. Il est question de falsification, d’identité dévoyée, de poids des convenances.

L’agencement des images évoque l’espace vertical et architecturé de la miniature persane. Les soubassements foisonnent de photographies d’archives de la troupe de Bijan Mofid avec leurs masques en papier mâché. Un docte mollah à tête de renard est ancré au centre de l’image. Dans la partie supérieure, des corps nus se contorsionnent autour de portiques et de hampes où flotte l’étendard de la République islamique. L’artiste réalise ces autoportraits lascifs et monstrueux en scannant puis assemblant des fragments de son corps : visage, coude, cuisse. Il se représente également en pin-up coiffée de soleil, avatar impie du dieu Mithra.

Témoin de l’amnésie hypocrite affichée par le régime depuis 1979, Ramin Haerizadeh invente une peinture d’histoire(s) satirique et outrancière. A l’univoque du discours officiel, il riposte par une pratique hybride, impure, entre photographie et peinture. A la schizophrénie identitaire, il riposte par le prélèvement et la disruption. A la tentation de la reconstruction historique, il riposte par l’assemblage et le montage.

Irène Burkel

"Témoin de l’amnésie hypocrite affichée par le régime depuis 1979, Ramin Haerizadeh invente une peinture d’histoire(s) satirique et outrancière."