Taysir Batniji
Miradors

Miradors

Version polyptyque de 12 photographies, tirages numériques noir et blanc, 40 x 50 cm (chacune), 2008

Miradors

Version triptyque, photographies, tirages numériques noir et blanc, 40 x 50 cm (chacune), 2008

Miradors

Version triptyque, photographies, tirages numériques noir et blanc, 40 x 50 cm (chacune), 2008

 

La série Miradors comprend 26 photographies, associées en sous-ensembles selon des critères formels, qui montrent des postes d’observation militaire israéliens installés en Cisjordanie. Ces images, éléments d’une dérangeante typologie, ont été réalisées dans des conditions périlleuses par un photographe palestinien mandaté par l’artiste. Gazaoui, Batniji ne peut en effet se rendre en Cisjordanie.

Les objets photographiés renvoient au contexte militaire et géopolitique de l’occupation des territoires palestiniens. Ces images a priori documentaires, de témoignage, sont pourtant simultanément ancrées dans un tout autre champ, celui de l’histoire de l’art. L’œuvre constitue en effet une reprise plastiquement très fidèle, jusqu’à l’illusion, du corpus photographique de Bernd et Hilla Becher. Ces artistes allemands documentèrent à partir de la fin des années 50 les vestiges de l’architecture industrielle allemande, puis d’autres pays. Leur protocole de prise de vue imposait notamment d’isoler le plus possible l’objet construit de son environnement, actant la disparition de son usage, et l’érigeant en motif graphique et sculptural.

En jouant le mimétisme avec le style des Becher, Batniji croise deux histoires de la photographie, qui sont aussi deux histoires du regard. Il substitue aux représentations journalistiques de la vie en Palestine, souvent basées sur l’actualité immédiate et le spectaculaire, des images ambigües informées par l’histoire de l’art ; il substitue aux sujets et aux possibilités techniques des Becher ceux du reporter, voire du photographe de guerre, qui contrarient toute tentative d’esthétisation. Enfin, si l’approche scientifique des Becher ouvrait la voie à la patrimonialisation, Batniji appelle visiblement à reléguer au passé ces bâtiments aujourd’hui proliférants.

D’une neutralité apparente à l’implication subjective de l’artiste, il est bien question de « point de vue » (l’étymologie du mot mirador).

Irène Burkel
 

En jouant le mimétisme avec le style des Becher, Batniji croise deux histoires de la photographie, qui sont aussi deux histoires du regard.