Mohamed Bourouissa
La République

La République

Tirage lambda, 137 x 165 cm, 2006

 

Un brassard rouge, à l’opposé, des casquettes, des capuches. Au second plan, les fenêtres éclairées d’une barre d’immeubles. Ces détails activent des souvenirs collectifs construits par les images médiatiques : on pense banlieues, quartiers sensibles, forces de l’ordre, tensions [1], etc.

La République appartient à un ensemble de photographies, réalisées entre 2005 et 2008, exposées sous le titre générique de Périphérique. Ces deux termes soulignent la dimension politique du travail de Mohamed Bourouissa, qui semble trouver son origine dans une volonté de produire des clichés décentrés, ou plutôt recentrés sur la périphérie, vocable géographique mais aussi implicitement social.

Ces photographies ont un pourvoir d’évocation multiple : elles combinent une mémoire récente, celle des actualités, avec une mémoire ancienne, plus particulièrement liée à l’histoire de l’art. En effet, La République est le fruit d’un processus de composition proche de la peinture. Les différents groupes de personnages s’organisent dans le cadre pour créer des lignes de force géométriques. La gestuelle théâtrale, narrative des personnages ainsi que l’ambiance en clair-obscur rappelle certaines peintures du Caravage [2]. En haut à droite de l’image, un drapeau français focalise l’attention. Il évoque irrésistiblement le tableau d’Eugène Delacroix Le 28 juillet : La Liberté guidant le peuple (1831), reproduit dans tous les livres d’histoires des écoliers français. La composition de Mohamed Bourouissa fonctionne, comme une intertextualité visuelle, en référence à cet emblème républicain, symbolisant la lutte du peuple pour la liberté et l’égalité. Dans sa mise en scène, le drapeau, dont on ne sait s’il est en train d’être brandit ou replié, semble figurer les vacillements contemporains de ces idéaux révolutionnaires et des valeurs fondatrices communes.

Marion Guilmot

[1] En automne 2005, des émeutes dans les banlieues, tout particulièrement en région parisienne, ont marqué la société française. A cette époque, les évènements ont été fortement relayés par les médias, et ce dans le monde entier.

[2] On pense à La Vocation de Saint Mathieu (1599-1600) ou encore de La Résurrection de Lazare (1608-1609).
 

"Ces photographies ont un pourvoir d’évocation multiple : elles combinent une mémoire récente, celle des actualités, avec une mémoire ancienne, plus particulièrement liée à l’histoire de l’art."