Yazid Oulab
Sans titre (Peau de Mouton)

Sans Titre

Peau de mouton et marbre, 45 x 145 x 2 cm
2006

 

Alliant épure graphique et présence forte des matériaux, cette œuvre de Yazid Oulab matérialise les mouvements d'une pensée, la circulation du sens entre des signes et des sensations a priori antagonistes.

La découpe d'une peau de mouton fait apparaître un couteau, alliant le souple et le tranchant, l'organique et le métallique, le chaud et le froid. Mais aussi, symboliquement, la douceur et la violence, la victime et le tueur. L'assemblage avec la plaque de marbre fait émerger d'autres correspondances : densité-respiration, inerte-vivant, durable-périssable. L'articulation même des deux termes plastiques est ouverte : figure-fond, sculpture-socle ? On pense à la tradition du bas-relief alors même que le geste, simple, emprunte au savoir-faire artisanal du tanneur. Cette ouverture, cette disponibilité des éléments rappellent la recherche d'un langage expressif universel, basé sur le sensible, de Joseph Beuys ou Jannis Kounellis.

Partant du geste et de l'expérience directe, tactile, Yazid Oulab déploie une dimension spirituelle et symbolique. Il mobilise une iconographie ancienne, à la fois savante et profondément archétypale, puisque l'outil représenté, associé au marbre de l'autel, renvoie au sacrifice d'Abraham, événement fondateur pour les trois religions monothéistes. Ce moment où est édicté l'interdit du sacrifice humain est commémoré en Islam par l'égorgement rituel de l'Aïd el Kébir, alors qu'en Occident le couteau véhicule le fantasme de l'assassin. Au-delà de la figuration, ces formes et ces matériaux élémentaires, qu'on croirait stables et univoques, deviennent des intermédiaires au service d'une réflexion ouverte.

Irène Burkel 

La découpe d'une peau de mouton fait apparaître un couteau, alliant le souple et le tranchant, (...) mais aussi, symboliquement, la douceur et la violence, la victime et le tueur.