Adel Abidin
Ping Pong

Ping Pong

Vidéo, 3' 44'' (extrait)
2009

 

Adel Abidin décale volontiers des gestes banals et quotidiens pour leur donner une signification toute différente, les faisant entrer dans un champ symbolique et dramaturgique étendu. 
Son œuvre vidéo Ping Pong appartient pleinement à cette démarche. Le remplacement du filet d’une table de ping-pong par un corps féminin, soudain exposé aux impacts de la balle, transforme la partie âprement disputée en une situation cruelle chargée de paradoxes. En effet, cette femme rousse, à la peau laiteuse et à l’attitude alanguie, évoque certes des peintures ou des sculptures anciennes de Venus, de Psyché ou d’odalisques. Pourtant, la position des ses mains, cachant le sexe et les seins, traduit une posture de protection plus que de sensualité. Les plans serrés sur son visage distillent un sentiment de solitude, d’isolement, souvent présent dans le travail de l’artiste.

Ainsi Adel Abidin développe une atmosphère de tension en associant des éléments contradictoires : le jeu anodin et la souffrance physique, le calme apparent de la pose féminine et la violence des impacts marquée sur ce corps nu. Plus qu’une simple confrontation entre deux joueurs, c’est une série de conflits larvés que l’artiste semble mettre en scène par le montage : entre masculin et féminin, entre léthargie pacifique et frénésie de puissance, entre pouvoirs avides de victoire et victimes silencieuses. Le compte des points, fait par une instance anonyme, témoins froids et apparemment complaisants, rythme le match et le temps, sans pitié pour la femme au centre de ce jeu de massacre.
Comme souvent dans l’univers d’Adel Abidin, l’étrangeté de la situation ouvre à diverses interprétations et identifications possibles : entre poétique et politique, entre social et intime...

Marion Guilmot
 

"C’est une série de conflits larvés que l’artiste semble mettre en scène par le montage : entre masculin et féminin, entre léthargie pacifique et frénésie de puissance, entre pouvoirs avides de victoire et victimes silencieuses."