Entre accumulation et répétition, l’œuvre de Lara Baladi rend compte d’un processus qui évoque le passage du temps. Son projet « Diary of The Future » (2008-2010) révèle l’intimité d’une histoire familiale. Le projet démarre en 2007 alors que le père revient au Caire pour finir ses jours dans sa ville natale. A son chevet, durant les six derniers mois de son existence, se relaient famille et amis. De ces visites auprès du père alité, l’artiste conserve la mémoire à travers la formalisation d’un rituel qu’elle documente et archive, notamment par la photographie.
Ce rituel est celui de la lecture dans le marc de café qui accompagne la tradition du déjeuner dominical instauré quelques années plus tôt par la grand-mère de Lara. Avec le retour du père, le rituel se généralise pour devenir partie intégrante de chaque visite. Ainsi, l’artiste indique aux visiteurs les instructions propres au rituel du café turc, consignant méticuleusement les tasses de chaque invité et photographiant chacune d’entre elles, attestant par là même d’un certificat de présence - le « ça a été » de Roland Barthes qui qualifie la fonction première de toute photographie.
Pièce centrale de ce projet, Rose convoque la mémoire individuelle et collective dans la composition d’une œuvre dont la forme géométrique, en référence au modèle suranné d’un intérieur bourgeois, rappelle celle du napperon en dentelle de nos grand-mères. Reliant avec délicatesse l’arabesque orientale et l’iconographie populaire, on y distingue la figure de l’angelot, la représentation de l’amour ou l’image de la mort. Témoin de la fugacité de chaque moment présent dans lequel s’inscrit déjà la projection clairvoyante de l’avenir, l’œuvre collage manifeste, par delà la transcendance de la mort, la continuité de la vie.
Vérane Pina
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