Ahmad Morshedloo
Sans Titre

Sans Titre

Diptyque, stylo à bille et acrylique sur papier, 2009

 

Comme dans d’autres œuvres graphiques de l’artiste, qui pratique le dessin en parallèle à la réalisation de grandes peintures, l’ensemble de ce diptyque est occupé par des corps et des visages, de face, de profil, de trois-quarts ou de dos. La grande précision dans le rendu des volumes, par entrecroisement de très fines hachures, confère aux corps une qualité presque sculpturale. Et chaque figure semble isolée au sein de la multitude, juxtaposée aux autres sans que les regards ne se croisent ni que les corps se touchent. Constitué de plusieurs générations, ce groupe silencieux, d’une gravité antique, devient l’allégorie de la foule anonyme, peut-être du peuple iranien lui-même.

Ahmad Morshedloo observe et restitue les états d’immobilité, de retrait en soi-même, du moment de pause dans l’activité quotidienne à l’exil du sommeil profond.

Le réalisme de la représentation se combine ici avec l’étrangeté d’une vision de rêve. Ainsi, l’artiste installe des jeux de miroir, dédouble certaines figures, qui de portraits deviennent motifs. Ainsi, il fait voisiner des corps d’homme à demi nus et des corps de femme, certains très couverts, comme pour souligner la difficulté d’une expression, dans l’espace public, de l’intime et du singulier. Ainsi, la forte luminosité qui pèse sur les nuques et fait se baisser les regards pourrait symboliser la fatalité, la résignation engendrées par le climat politique. Comme si le contenu vrai de l’œuvre était dans cet interstice entre le virtuose traitement graphique de la surface et la profondeur des émotions et des pensées.

Irène Burkel 

"La forte luminosité qui pèse sur les nuques et fait se baisser les regards pourrait symboliser la fatalité, la résignation engendrées par le climat politique."